> Georges Montaron par Hervé Bourges

Je crois que je peux parler au nom de tous ceux qui au cours des années ont travaillé avec Georges Montaron dans ce journal. Georges Montaron qui vient de nous quitter aura régné, le mot n’est pas trop fort, près d’un demi siècle sur TC. Aux jeunes journalistes que nous étions, - j’y suis entré j’avais un peu plus de 20 ans, en 1956 - il montrait la voie de la liberté et de l’engagement contre les totalitarismes, contre les négations de l’homme, contre les atteintes à la liberté, mais aussi en faveur de causes qui lui semblaient mériter le combat. On pourrait énumérer une longue liste de ce combat : les prêtres ouvriers, aujourd’hui la Palestine. Mais aussi le respect des autres, le pluralisme. En un mot c’était ce que l’on appelait un " catho de gauche " comme on disait à l’époque.

C’était un caractère intransigeant, une conscience plus qu’un politique. Quelquefois l’homme se montrait rigide, autoritaire, jamais doctrinaire. Proche de François Mitterrand mais pas au point d’accepter Maastricht ou la guerre du Golfe, Montaron se montre également fidèle à ses compagnons gaullistes de la Résistance : Michel Debré, Maurice Schumann qui prononce un discours pour les 50 ans de TC, Edmond Michelet ancien déporté de Dachau sous l’ancien des bons et des mauvais jours, mais aussi Robert Buron.

Le TC d’il y a 40 ans - celui que Montaron situait en avant à gauche - n’avait pas grand rapport avec ce qu’il est devenu aujourd’hui ne serait-ce parce qu’il tirait à plus de 100.000 exemplaires. L’hebdomadaire issu de la clandestinité avait su faire entendre dans la Résistance des voix comme celle de son fondateur, le père Chaillet, notamment en faveur de la défense des hommes, des femmes et des petits enfants juifs en cette époque de terrible silence de l’Eglise. Sous la conduite de Montaron TC allait devenir une tribune d’opinion, un aiguillon, une voix écoutée même lorsqu’elle se révélait très minoritaire dans le courant chrétien. Montaron n’était pas de ceux qui attendent le jugement dernier, il pensait à l’instar de Camus que celui-ci a lieu tous les jours.

La tribune de TC était ouverte à ceux pour lesquels le combat politique ne se résume pas en quelques coups et quelques petites phrases. Georges Montaron sera lui-même inculpté pour avoir dénoncé la torture en Algérie, Robert Barrat emprisonné, André Mandouze poursuivi. Entre 1954 et 1964, TC est saisi soixante-dix fois dans lorsqu’on appelait alors les départements d’Algérie et deux fois en métropole. Ils n’étaient pas nombreux à l’époque ceux qui avaient le courage de dénoncer une guerre qui n’avouait pas son nom - c’était la pacification - que personne ne voulait voir et que la télévision s’abstenait soigneusement de montrer sauf dans quelques émissions.

Quelques journalistes, quelques titres de presse (Le Monde, l’Observateur, l’Express et TC) pour ceux de TC c’était naturel, c’était somme toute lutter encore et toujours contre l’indifférence. Mais qui étaient ceux de TC ? François Mauriac et Françoise Dolto ; Michel Debré et Jacques Delors ; Albert du Roy et Michel Jobert ; Piem et le professeur Minkowski ; Albert Adolf Escuvez et Claude Estier ; Jean Boissonnat et Henri Nallet ; Jacques Testart et Don Paulo Evaristo Arn (archevêque de Sao Paulo) ; Georges Suffert et Jean Ziegler ; sans oublier Roger Fressoz et j’en oublie bien sur et je ne cite pas tous ceux qui ont exercé des responsabilités à l’intérieur du journal. Ecrivains, philosophes, politiques ils ont tous écrit un jour dans Témoignage Chrétien. Ce sera également le mérite de Georges Montaron de s’être battu pour une presse écrite d’opinion libre et diverse au Syndicat de la presse hebdomadaire parisienne, le patron volontiers autoritaire et parfois cassant de TC, changer de registre pour parfois donner libre cours à ses qualités de négociateur et d’habile tacticien. Sans doute aurait-il pu donner toute sa mesure dans une plus grande entreprise que TC. Peut-être a-t-il regretté parfois que tel ne fut point le cas? Mais Georges Montaron s’était tellement identifié à son journal qu’il n’a sans doute pas vu le temps ni la vie passer. A l’heure d’Internet, du Village global, du numérique et parfois de la pensée unique, l’aventure de TC, l’engagement d’un Montaron peuvent apparaître d’une autre époque. Nous aurons toujours besoin de témoins engagés comme lui pour éclairer les transformations du monde où nous vivons par leurs convictions et aussi, disons le mot puisque nous saluons la mémoire d’un ami chrétien, par leur foi.

Hervé BOURGES,
Président du CSA,
Ancien Président de TF1, A2, et FR3,
Ancien rédacteur en chef de Témoignage Chrétien.

Allocution prononcée aux obsèques de Georges Montaron, le 15 octobre 1997



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