Comme ami, la disparition de Georges Montaron
m'affecte profondément, car il incarnait à mes yeux un type de
militance chrétienne qui ne fut pas toujours sans reproches mais qui
fut toujours sans peur : pour Georges, le " n'ayez pas peur ! " n'était
pas un slogan facile, une espèce de rideau de fumée quelque peu
anesthésiant, mais une ascèse quotidienne. Il ne comprit jamais
pourquoi le christianisme pouvait être confondu avec le conservatisme,
la routine paresseuse, la frilosité paralysante. S'il ne fut jamais l'homme
des compromis, c'est qu'il ne fut jamais l'homme des alibis, de ces alibis pieux
- et honteux - auxquels recourent trop souvent ceux qui, dans l'Eglise, ne se
sentent pas le courage ou la force d'entrer, de plain-pied, dans la société
des hommes.
Historien, et contemporain - à un an près
- de Georges Montaron je mesure, en prenant un peu de hauteur, et en envisageant
la longue durée, l'importance de l'action de Georges Montaron. Ceux qui,
aujourd'hui, tournés vers un avenir idyllique, ignorent volontairement
la richesse et la force du demi-siècle qui correspond à la vie
active de Georges, commettent une faute grave, faite d'ignorance et de sottise.
Extraordinaire euphorie des lendemains de la seconde guerre mondiale, dont Jean-Marie
Domenach dira qu' " elle a dépucelé les chrétiens
" en les obligeant à regarder en face les réalités
d'un monde déchristianisé où se perpétuaient les
injustices et le mépris de la paix. Comme diffuseur du Témoignage
Chrétien clandestin, comme dirigeant jociste puis - pour un demi-siècle
ou presque - comme directeur de l'hebdomadaire Témoignage Chrétien,
Georges manifesta la même exigeance, la même coruscance.
Il nous a habitués, nous qui le lisions
depuis 1948 et qui, de loin, essayions de répercuter son courage, à
considérer qu'être de gauche n'était pas une façon
de se distinguer des " bourgeois " mais la seule manière d'être
proche du petit peuple, de celui qui, traditionnellement et naturellement, est
de gauche parce qu'il est à gauche de la route, quitte, parfois, à
être déçu : et l'on sait que Georges ne se gênait
pas pour reprocher à ses amis politiques leurs atermoiements ou leurs
dérives.
Je suis particulièrement reconnaissant
à Georges d'avoir, tout de suite, soutenu Jacques Gaillot. Toute ma vie,
je reverrai le train frêté par TC qui, le 15 janvier 1995, dans
la tempête et le froid, nous transporta de Saint-Lazare à Evreux
où, durant des heures, au milieu d'une foule d'amis connus et inconnus,
nous avons pleuré, prié, chanté en union avec l'évêque
injustement révoqué. Cette journée, nous la devions à
Georges : unique dans les annales de l'Eglise contemporaine, elle manifesta,
avec force et éloquence, la pérennité du vœu que nous avions
fait, lors des Etats-généraux de l'Espérance, à
Saint-Ouen, en 1991, à l'appel de Georges Montaron, de ne pas permettre
que l'Eglise soit réduite à n'être plus que le conservatoire
des peurs et des faux-semblants
Merci, Georges !
Pierre Pierrard,
historien
in
Tribune 2000, décembre 97
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