> Nous sommes tous juifs, noirs, arabes...
par Georges Montaron

Une immense émotion populaire s'est manifestée dans toute la France à la suite de l'attentat contre la synagogue de la rue Copernic à Paris. Des femmes et des hommes de tous les syndicats, de tous les partis, de toutes les confessions sont descendus dans la rue pour affirmer leur volonté de combattre le racisme.
Il est bon de laisser ainsi éclater son émotion, de dire sa solidarité avec les victimes, de manifester dans la rue. Mais il faut aller plus loin et tenter de comprendre pourquoi ce racisme fleurit à nouveau, pourquoi l'antisémitisme est toujours actuel. Peut-être, aussi, faut-il chercher à savoir à qui profitent ces crimes.
La France n'est pas une terre où le racisme pousse normalement. Il faut donc des circonstances particulières pour qu'il connaisse une éclosion si préoccupante.
Il y a sans doute des réseaux qui suscitent des attentats et arment des mains criminelles. Il ya une internationale noire qui véhicule le racisme. Mais ces organisations ne pourraient se développer si n'existait pas un climat qui leur soit favorable.
Il est évident que la plupart des auteurs des attentats sont des jeunes, marqués par l'atmosphère dans laquelle ils vivent et qui sont, dès lors, facilement manipulés par ceux qui, à partir de leur offensive raciste, veulent instaurer un ordre nouveau. Comme ils peuvent être utilisés également par certains services secrets étrangers décidés à influer sur l'opinion publique et le pouvoir.
Le racisme dont sont victimes les Arabes et les Noirs est sans aucun doute, pour une part, une séquelle de la guerre d'Algérie et du processus de décolonisation, en même temps qu'un refus d'accepter que l'Autre soit différent dans sa culture et la couleur de sa peau, parce que soi-même on n'arrive pas à définir sa propre identité.
Mais ce racisme venu de l'intérieur de l'homme et de l'histoire n'est-il pas justifié par le pouvoir politique, quand celui-ci élabore des lois signées Bonnet et Stoléru dirigées contre les étrangers, quand les Arabes et les Noirs sont soumis à des vérifications d'identité agressives dans les lieux publics; quand des journaux mènent campagne contre la présence des étrangers en France.
Comment les racistes ne se sentiraient-ils pas confortés dans leurs violences quand ils constatent que les assassinats d'Algériens, ceux de Goldman, de Curiel, de Laïd Sebaï demeurent impunis.
Comment ne se sentiraient-ils pas portés par ces idéologies qui plaident contre l'égalitarisme, pour l'élitisme, contre le christianisme et sa loi d'Amour, pour l'efficacité et la virilité symbolisées par le culte dû à l'homme grec.
Quand l'éminente dignité de l'homme, de tout homme quel qu'il soit, n'est pas reconnue, le racisme peut proliférer. Or la philosophie qui émane de la république giscardienne est aristocratique en même temps que scientiste. Ce n'est pas pour rien que le nouvel institut que vient d'inaugurer Valéry Giscard
d'Estaing est placé sous le patronage d'Auguste Comte. Le fondateur de la .religion positiviste va marquer de son empreInte ces nouvelles élites qui auront pour charge de manier l'opinion et de diriger l'État. On voit dans quelle direction iront ces nouveaux patriciens.
Comment les racistes ne se sentiraient-ils pas compris dans leur mépris de l'autre et plus précisément de l'étranger quand ils voient comment notre ministre de l'Intérieur a traité Simon Malley, directeur de la revue "Afrique Asie ". Comédie de la Commission des Expulsions où s'exprime le mépris de M. Bonnet à l'égard du Président et des témoins, mobilisation policière, kidnapping spectaculaire, à l'américaine, mépris du droit, embarquement forcé à bord d'un avion pour la direction la plus lointaine et sans papiers, telles ont été les caractéristiques de l'expulsion pour raison d'État d'un journaliste qui déplaisait à quelques chefs d'État africains.
Redisons-le, ici, il n'y a pas pour nous, d'un côté, les quatre morts de la rue Copernic et la synagogue agressée, et, de l'autre, la centaine de morts -très exactement quatre-vingt-trois tués du 1er janvier 1970 au 31 décembre 1979 -et les nombreux établissements maghrébins et le domicile du président de la Ligue des Droits de l'homme plastiqués; il n'y a que des victimes du racisme entre lesquelles nous ne faisons aucune discrimination. [...]
L'antisémitisme ne saurait être dissocié du racisme. Sans doute, est-il souvent encore plus tragique. Hitler lui a donné une dimension apocalyptique que nous ne pouvons oublier, avec la complicité -en France -du gouvernement de Pétain et de la majorité de la population. Ceux qui, alors, étaient du côté des Juifs persécutés n'étaient qu'une poignée et c'est l'honneur de " Témoignage chrétien " d'avoir été de ceux-là.
L'antisémitisme avait, hier, une motivation religieuse. Celle-ci a largement disparu pour laisser sa place à la politique.
Au XIXe siècle, en réaction contre l'antisémitisme qui sévissait en France et en Europe, est né le sionisme. Cette idéologie polItIque a été marquée par une exaltation exacerbée d'u~ peuple, le peuple juif, le repliement sur .Soi même de cette communauté.. Le Sionisme
Isole les Juifs, il s'exprime, aujourd'hui, par une injustice grave commise en son nom à l'égard du peuple palestinien chassé de sa terre et par la politique discriminatoire menée à l'égard des Arabes au sein de l'État israélien et dans les territoires occupés. Il n'hésite pas à user du terrorisme. Ces traits ne sont pas sans conséquences sur l'image que donne la communauté juive.
Des Juifs, croyants ou non, ont dit depuis longtemps leurs craintes de voir le judaïsme pleinement identifié à une idéologie de création récente et dont la politique et les options sont contestables. Ils n'ont guère été entendus. Au contraire. La présence ostentatoire dans les récents défilés des groupes sionistes ultras et musclés arborant le drapeau israélien et clamant des slogans vengeurs et sans nuances, a été une erreur et une faute remarquée par plus d'un observateur. [...]
Les attentats antisémites visent à provoquer la communauté juive, à la couper du reste de la nation, à l'amener à des ripostes violentes et vengeresses. Ses leaders religieux ont été d'une sagesse exemplaire et d'une grande intelligence politique. Ils ne sont pas tombés dans le piège.
Les Juifs sont un peuple. Ceux d'entre eux qui ont la foi se réunissent dans les synagogues -ces temples où Jésus prêcha. Ils adorent le Dieu unique. Celui-là même qu'adorent les chrétiens et les musulmans. Ils sont Français à part entière. S'ils ont, pour Israël, des sentiments très forts, ils ne sont pas pour autant, dans leur immense majorité, partis pour Tel Aviv ou Haïfa. Ils sont demeurés français. Ils ont combattu le nazisme à nos côtés et ils sont des citoyens actifs de la nation française. C'est dire que toute agression à leur endroit est une agression dirigée contre chacun d'entre nous.
Aussi, tandis que déferle cette vague raciste, nous voulons dire que nous sommes tous des Juifs, des Noirs, des Arabes... Nous voulons que chacun sache que nous ne laisserons pas éclater la nation et que nous saurons défendre l'âme de la France une fois encore menacée.

Georges Montaron,
in Dossier CAASM lundi 13 octobre



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